Travaux effectués et résultats obtenus
L’approche multidisciplinaire du risque avalanche mise en œuvre dans MOPERA se révèle très féconde d’un point de vue géophysique, méthodologique et opérationnel (évaluation du risque). Cette page résume les principaux développements effectués et résultats obtenus.
1 Estimation locale des avalanches extrêmes
2 Inférence des paramètres de frottement
3 Validation et enrichissement grâce aux données dendrogéomorphologiques
4 Détection et prise en compte des non-stationnarités temporelles
5 Evaluation spatialisée de l’aléa avalancheux
6 Evaluation spatialisée des chutes de neige extrêmes et des hauteurs de déclenchement
7 Vulnérabilité physique du bâti
8 Vulnérabilité des réseaux routiers alpins face à l’aléa avalanche
9 Dimensionnement fonctionnel d’ouvrages et quantification du risque résiduel
10 Evaluation formelle du risque d’avalanche et approche décisionnelle
1. Estimation locale des avalanches extrêmes
Cette part du travail correspond à l’évaluation aussi précise que possible des avalanches extrêmes susceptible de se produire sur un site dans une perspective d’aménagement à long terme. Les informations disponibles sont combinées au travers d’un modèle probabiliste d’aléa incluant notamment un modèle numérique de propagation et l’information historique. Ces travaux ont permis la finalisation d’un modèle d’inférence et de simulation sur lequel s’appuient de nombreux développement menés dans le cadre de MOPERA (Eckert et al., J. Glaciol 2010). Ensuite, le comportement de ce modèle et les résultats qu’il produit ont été étudiés vis-à-vis de la théorie statistique des valeurs extrêmes, notamment en termes de domaine d’attraction et de dépendance (articles en préparation).
Vitesse, épaisseur d’écoulement et nombre de Froude pour une avalanche décennale d’après Eckert et al. (J. Glaciol 2010).
2. Inférence des paramètres de frottement
Le cadre de modélisation développé a été utilisé pour inférer les paramètres de frottement dans l’écoulement. A l’échelle d’un site, le cadre hiérarchique a permis de décrire la variabilité des événements au travers de modèles à effets mixtes (Eckert et al., J. Glaciol 2010). L’approche bayésienne a facilité la mise en œuvre de l’inférence avec un modèle dont la distribution de certaines variables est non explicite et la prise en compte d’information a priori. A l’échelle plus large de l’ensemble des événements enregistrés sur la vallée de Chamonix, des relations robustes entre paramètres de frottement et propriétés physiques du manteau neigeux ont pu être obtenues (Naaim et al., J. Glaciol 2013). Enfin des travaux ont visé à raccorder ces deux axes de travail au travers d’un modèle spatial décrivant l’activité à l’échelle des Alpes françaises entières (cf. Évaluation spatialisée de l’aléa avalancheux).
Distribution marginale a posteriori du coefficient de frottement et de la distance d’arrêt pour un événement et l’ensemble du jeu de données de calibration d’après Eckert et al. (J. Glaciol 2010).
Relation entre coefficient de frottement et température dans la vallée de Chamonix d’après Naaim et al. (J. Glaciol 2013).
3. Validation et enrichissement grâce aux données dendrogéomorphologiques
Les travaux effectués concernent 5 sites qui ont été échantillonné très exhaustivement, puis dont les données recueillies ont été soigneusement traitées et confrontées aux données historiques (Schläppy et al, AAAR 2013). ). La comparaison aux résultats de simulation avec un objectif de validation des événements extrêmes prédits, puis leur intégration dans la modélisation afin d’enrichir l’apprentissage ont été les objectif visés. Les résultats obtenus sur deux couloirs sont très encourageants (Schläppy et al, CRST 2014). Parallèlement, on a cherché à mettre en évidence les variables climatiques prédominantes pour les années ou une activité avalancheuse a pu être identifiées et à confronter ces résultats à ceux obtenus à partir de l’exploitation régionale des chroniques historiques (cf. Détection et prise en compte des non-stationnarités temporelles). Ceci a permis de fournir de premiers résultats concernant la capacité des données dendrogéomorphologiques à capturer les liens avalanche-climat. (Schläppy et al., 2016). Enfin une étude similaire a été menée à l’échelle régionale, et un modèle distributionnel pour les distances d’arrêt d’origine dendrogéomorphologique a été développé (articles en préparation).
Analyse dendrogéomorphologiques du couloir des Pèlerins, Chamonix, distribution spatiale des arbres perturbés en 1836, 1911 et 1988. D’après Schläppy et al. (AAAR 2013).
Comparaison des périodes de retour estimées par dendrogéomorphologie, dans les chroniques historiques (EPA) et par le modèle statistique-numérique. D’après Schläppy et al., CRST 2014.
4. Détection et prise en compte des non-stationnarités temporelles
L’ensemble des méthodes de prédiction d’avalanches rares fait l’hypothèse que le phénomène est stationnaire dans le temps, ce qui néglige l’effet des fluctuations climatiques. Pour y remédier, le projet a mis un fort accent sur la mise en évidence de non stationnarités dans des séries temporelles complexes, i.e. non gaussiennes et impliquant des liens non linéaires avec des covariables. Ce travail méthodologique de manipulation de modèles spatiaux-temporels, notamment extrêmaux, a été validé par plusieurs publications concernant des phénomènes rares apparentés (Gazaeux et al.,, JGR 2011 ; Kallache et al., JGR 2011), ainsi que par un article traitant des fluctuations des altitudes d’arrêt des avalanches (Eckert et al., JCLIM 2010). Les travaux ont également concerné la prise en compte des non stationnarités avérées dans les méthodes de calcul d’avalanches extrêmes (Eckert et al., J.Glaciol 2013), ainsi que la relation explicite de l’activité avalancheuse naturelle avec les covariables nivométéorologique, travail mené en partie au travers du projet ECANA (Castebrunet et al., 2012). De l’échelle temporelle annuelle, les travaux ont enfin été étendus à celle des épisodes avalancheux intenses (1-7 jours) au travers d’un travail qui se poursuit actuellement via ECANA (Sielenou Dkengne et al., 2016).
Fréquence avalancheuse moyenne dans les Alpes françaises: signal annuel et tendances. D’après Eckert et al., J. Glaciol 2013.
Contribution des covariables aux hivers d’activité avalancheuse exceptionnelle d’après Castebrunet et al. (Clim Past 2012).
5. Evaluation spatialisée de l’aléa avalancheux
Les données d’avalanche françaises sont très denses pour une large sélection de couloirs mais inexistantes pour d’autres. Un axe de travail du projet concerne donc la description de la répartition spatiale de l’activité avalancheuse dans les Alpes de façon à caractériser la dépendance inter-site et à en tirer profit pour prédire l’activité des couloirs non documentés. Suivant des approches antérieures, un travail important de développement de modèles spatio-temporels complexes à covariance non séparable adaptés à l’ensemble des données d’occurrence d’avalanches disponibles dans les Alpes Françaises a été mené (Lavigne et al., Environmetrics 2012). Ce travail n’est pas déconnecté de la prise en compte des non-stationnarités temporelles, puisqu’il permet la mise en évidence de disparités régionales en lien avec un changement climatique régionalisé. Cela a permis de mettre en évidence l’effet important de l’altitude dans la clusterisation, en particulier la décroissance de l’activité à basse altitude et son augmentation à haute altitude (Lavigne et al., JRSSC 2015). Ces travaux ont ensuite été étendus aux variables d’intensité utiles au zonage, notamment la distance d’arrêt et les niveaux de retour associés. De premiers résultats très prometteurs ont pu être obtenus sur le département de la Haute Savoie (Lavigne, 2013).
Modélisation spatio-temporelle des fréquences d’avalanche dans les Alpes françaises, d’après Lavigne et al. (Environmetrics 2012)
Probabilité a posteriori d’appartenance à la zone climatique nord-nord ouest fonction de la latitude, de la longitude et de l’altitude, d’après Lavigne et al., JRSSC (2015).
6. Evaluation spatialisée des chutes de neige extrêmes et des hauteurs de déclenchement
Des travaux similaires ont été menés pour caractériser la répartition spatiale des chutes de neige extrêmes et des hauteurs de déclenchement, en lien avec les projest interreg DYNAVAL et MAP3 (Gaume et al., JRL 2012). Pour les chutes de neige extrêmes, l’utilisation des processus max-stables, généralisation au cas multivarié spatial de la théorie des valeurs extrêmes, et de régressions splines a permis l’obtention rigoureuse des niveaux de retour en tout point de l’espace de même que des informations précieuses concernant les propriétés de dépendance des chutes de neige extrêmes (Gaume et al., WRR 2013). Le couplage a un modèle mécanique de déclenchement fournit ensuite la distribution des hauteurs de départ dont le bon ajustement a des données de terrain a pu être vérifié (Gaume et al., J. Glaciol 2013).
Chute de neige centennale dans les Alpes Françaises à une altitude fictive de 2000 et sur le relief réel, d’après Gaume et al. (WRR, 2013).
Hauteurs de départ d’avalanche dans les Alpes Françaises pour une période de retour de 100 ans et à une altitude supérieure à 1000m d’après Gaume et al. (JRL, 2012).
7. Vulnérabilité physique du bâti
La vulnérabilité de la structure en béton armé (BA) exposée à un flux avalancheux d’intensité donné est caractérisée par sa probabilité de défaillance. Un critère de ruine en déplacement a été retenu et permet de décrire l’état de dégradation global de la structure. Avec cette approche, des structures de géométries complexes et dont les matériaux constitutifs peuvent développer des non-linéarités peuvent être étudiées. Après une étude déterministe (Bertrand et al., NHESS 2011), une étude fiabiliste a été menée pour prendre en compte de façon systématisée les incertitudes liées à la géométrie et/ou la résistance pour différentes configurations de structures (Favier et al., NHESS 2014). Une analyse approfondie de la sensibilité à la vulnérabilité du risque pour les personnes et les biens a ainsi pu être menée. Une analyse approfondie de la sensibilité à la vulnérabilité du risque pour les personnes et les biens a ainsi pu être menée. Elle a débouché sur une méthode pratique d’évaluation de bornes pour le risque, ainsi que de quantification du niveau réel d’exposition dans les zonages « aléa-centrés » (Favier et al., CRST 2014). Enfin, les travaux ont porté sur le raffinement de la modélisation mécanique, permettant ainsi l’obtention de courbes de fragilité dans des cas de structure plus complexes (Favier, 2014).
Courbe de fragilité d’une dalle en BA soumis à un signal avalancheux hors plan, pour différents types de distribution d’entrées. D’après Favier et al. (NHESS 2014).
Sensibilité du risque en fonction de la loi de vulnérabilité. Bornes pour le risque humain d’après Favier et al., CRST (2014).
8. Vulnérabilité des réseaux routiers alpins face à l’aléa avalanche.
Le travail effectué a consisté à intégrer dans un système d’information géographique (SIG) les évènements ayant ou pouvant potentiellement affecter le réseau routier des Alpes du sud. Pour ce faire on s’est basé sur les différentes bases de données existantes tant pour les événements avalancheux que sur les bases de données routières à différentes échelles. La première partie du travail a donc consisté en l’identification, la quantification et l’analyse des événements passés. Ensuite, les dommages directs (vulnérabilité structurelle) et les perturbations engendrées sur le réseau (vulnérabilité fonctionnelle) par ces événements passés ont été mesurés. A partir de l’étude d’événements, une évaluation des coûts directs et une estimation des coûts indirects liés à la perte d’accessibilité ont été réalisées. Enfin, les réseaux routiers pouvant potentiellement être impactés ont été identifiés en effectuant un croisement entre les emprises de la CLPA et les réseaux routiers dans le but d’intégrer la notion d’accessibilité pour l’évaluation des risques (Léone et al., RGA 2014)
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Exemple de quantification et de cartographie des dommages pour les trois départements étudiés. D’après Leone et al., RGA (2014).
9. Dimensionnement fonctionnel d’ouvrages et quantification du risque résiduel
L’effort de recherche concernant le dimensionnement fonctionnel des ouvrages de protection paravalanche et la quantification du risque résiduel a porté sur la synthèse des lois analytiques existantes pour décrire (i) l’effet des digues sur les écoulements (Faug et al., soumis) et (ii) la pression exercée sur ces digues dans les différents régimes d’avalanche (article en préparation). Concernant ce dernier point, les limites des approches classiques ont été mises en avant. Pour y remédier, une loi d’échelle analytique donnant la pression d’impact sur une digue a ensuite été développée et sa robustesse a été démontrée sur la base de simulations numériques discrètes couplées à des tests de laboratoire. Cette loi d’échelle a aussi été testée avec succès sur des données de terrain disponibles au col du Lautaret (Faug et al., PRE 2011 ; Caccomo et al., Gran. Mat. 2012).
Profil temporel de force par unité de largeur sur une digue impactée par une avalanche granulaire (d’après Faug et al, PRE 2011): comparaison entre modèle et mesures expérimentales.
10. Évaluation formelle du risque d’avalanche et approche décisionnelle
La notion d’aléa de référence s’applique imparfaitement aux avalanches du fait de leur caractère multivarié. De plus, les méthodes d’ingénierie qui en découlent négligent les enjeux et leur vulnérabilité. Le calcul de risque et l’analyse décisionnelle pour le dimensionnement d’ouvrages de protection constituent des pistes novatrices permettant de s’affranchir de ces difficultés. Dans le projet, il est fait le lien entre les méthodes d’évaluation de la vulnérabilité physique du bâti, les lois d’interaction avec des ouvrages de protection et les modèles probabilistes d’occurrence d’avalanches rares au travers du cadre de travail de la statistique décisionnelle. Un travail de revue et d’extension des approches décisionnelles existantes a été publié (Eckert et al., CRST 2012). Les travaux de développement de modèles décisionnels ont ensuite visé à adapter le formalisme aux situations rencontrées dans les situations d’ingénierie, en particulier en faisant varier les modèles d’aléa et les lois d’interaction (Favier, 2014). De même, une méthode novatrice de zonage du risque vu comme un problème décisionnel a été proposée (article en préparation).
Dimensionnement optimal d’un ouvrage paravalanche en fonction de la position des enjeux. D’après Eckert et al., CRST 2012.